Author Archives: Profecogest-2017

Business as usual...

Hier, un drame s’est produit dans mon institution où un jeune étudiant s’est donné la mort. Je n’ai bien sûr pas pu faire cours – j’ai rejoint les étudiants puis pris l’initiative personnelle de reporter le cours, mais ce qui m’interpelle, c’est qu’hier comme aujourd’hui, je n’ai vu aucun membre du management chercher à rassembler notre communauté éducative, à partager collectivement un peu de chaleur humaine… Une entraide informelle s’est mise en place : des collègues prenaient des nouvelles ou réconfortaient ceux qui étaient le plus sous le choc. Certes, l’institution a certainement pris soin de la famille et des proches de l’étudiant puis mis en place une cellule psychologique, mais aucun responsable de notre ligne directe de management ne s’est enquis de ses équipes, n’a envoyé de mot de réconfort ou montré un peu d’empathie. J’avais vécu une situation similaire au sein de l’éducation nationale. Après une mort violente, les enseignants étaient seuls dans leur classe face aux étudiants, ne sachant quoi leur dire tandis que la directrice du lycée préférait répondre aux journalistes plutôt que d’être présente à leur côté.…

Le désengagement émotionnel de certains « managers » dans ces institutions m’interpelle profondément…

Business schools: quelques réflexions personnelles sur le « dogme » de l’enseignement tout en anglais ….

Alors que j’étais European Accounts Manager, basée au siège de ma société à l’étranger, le Directeur général de notre filiale française vint me trouver afin de devenir son bras droit sur les aspects commerciaux et diriger une équipe dédiée aux clients stratégiques. Il me proposait ainsi de rejoindre son comité de direction.

En réalité, l’idée n’était pas d’avoir enfin une femme au comité de direction 😪 mais d’y avoir quelqu’un qui parlait couramment anglais, qui avait une expérience multiculturelle pour l’aider à naviguer au sein du siège et mieux communiquer avec nos top managers étrangers, dont notre président, d’origine néo-zélandaise.

Cette expérience devrait m’amener à militer, dans ma nouvelle vie d’enseignant-chercheur, pour un enseignement en anglais afin de permettre à nos étudiants d’entrer facilement dans cette diversité linguistique et culturelle qu’est devenue l’entreprise….

Pas du tout ! Le dogme de l’anglais comme langue d’enseignement systématisée m’est devenu très pénible…

Je pense que l’apprentissage de concepts ou d’outils inconnus se fait mieux dans sa langue maternelle. Un enseignement nouveau dans une langue qui est mal maîtrisée représente un obstacle à l’apprentissage.

La proposition d’un enseignement en anglais se prête mieux à des cours « avancés » que des nouveaux cours – au moins, les étudiants peuvent s’appuyer sur des concepts qu’ils connaissent déjà pour surmonter l’obstacle de la langue…

Il faudrait vraiment réfléchir au type de cours au sein duquel on veut un enseignement en anglais, pour ne pas cumuler les difficultés, voir imaginer des cours en partie en anglais et en partie en français, mais les écoles de commerce françaises sont en train de se faire concurrence pour attirer des étudiants étrangers et transforment à marche forcée pratiquement tous les cours dans la langue de Shakespeare.

Dans un monde merveilleux ou les étudiants français sortiraient du BAC, voir du Bachelor, avec un bon niveau d’anglais, cela ne poserait pas de problème…. Mais il faut être réaliste : nous ne sommes pas dans cette configuration.

Surtout quand certains programmes ne sélectionnent pas les étudiants sur leur niveau d’anglais, puis leur impose des cours en anglais dans des disciplines qui sont, en plus, nouvelles pour eux….

Ainsi, je peux positionner les étudiants sur un continuum allant de l’étudiant français bilingue, à l’étranger maitrisant parfaitement l’anglais, jusqu’aux étudiants passant le cours sur Google traduction.

Engager les étudiants devient difficile, car seuls ceux qui ont confiance dans leur niveau d’anglais participent tandis que les autres n’osent exprimer leurs difficultés.

Pour essayer d’engager davantage les étudiants, j’avais décidé cette année d’acheter et d’utiliser un logiciel qui permette une meilleure interactivité avec les étudiants – ce logiciel me permet d’intégrer des questions dans ma présentation de cours et les étudiants suivent la présentation directement sur leur ordinateur et répondent « online » avec un affichage des réponses qui apparait sur l’écran du visio-projecteur.

Cette initiative individuelle semble plaire aux étudiants qui trouvent là, pour les moins à l’aise en anglais, une méthode de travail novatrice. Elle leur permet en effet de ne pas avoir à s’exprimer en anglais à l’oral – l’écrit leur faisant beaucoup moins peur….

Du coup, et à ma grande surprise, j’ai un taux de réponse qui doit être autour de 90%…

Même ceux qui sont « fluent » en anglais semblent apprécier cette méthode qui reprend leurs codes et méthodes de communication par texto ou Whatsapp.

Bien sûr, il m’a fallu repenser complètement mes séquences pédagogiques et travailler plus sous la forme de brainstorming ou d’analyses critiques que de cas – les écrits des étudiants doivent rester courts, pour rester dans l’état d’esprit de cet échange interactif.

A la fin du cours, toutes les réponses sont envoyées aux étudiants sous forme d’un rapport, ce qui leur permet de garder une trace écrite de toutes les activités du cours.

Conclusion : cet outil digital renforce la confiance des étudiants qui se sentent moins exposés qu’en travaillant à l’oral ; Ils ont une restitution qui peut leur permettre de revoir le cours dans son intégralité et finalement, j’ai l’impression d’avoir partiellement pallier le handicap de la différence de niveau dans la maitrise de l’anglais.

Tout cela requiert une bonne connexion Wifi et pas de bug du côté du logiciel 😓

Je suis aussi lucide sur le fait que « first mover, takes it all » – si l’école s’équipait du logiciel – une démultiplication de ce format pédagogique finirait probablement par lasser les étudiants !

 

 

 

#PasdeVague ou la face cachée de la "bien pensance" des acteurs hiérarchiques de l'Education Nationale

D’un seul coup sous le hastag #PasDeVague les vannes de l’Education Nationale semblent céder face à l’émotion suscitée par l’agression d’un professeur-e braquée avec un revolver… Afin qu’elle mette présent un élève qui n’avait pas assisté au cours!

Twitter est envahi par les témoignages de collègues qui viennent y raconter la violence ordinaire, mais surtout la lâcheté quotidienne de leur hiérarchie…

Il ne faut pas s’y tromper #PasDeVague n’est pas un pas tant un cri contre la violence, mais d’abord et surtout, une forme de révolte des professeurs sur leur solitude face à cette violence, le manque de soutien de leur hiérarchie, voire, pire, la culpabilisation dans laquelle ils sont plongés (« tu n’as pas d’autorité », « tu ne sais pas tenir ta classe ») et surtout l’impunité dont bénéficient les auteurs de cette violence.

Ayant passé le concours de l’agrégation, je me suis retrouvée, il y a déjà plus de 10 ans,  dans des lycées de Trappes et de Cergy-Pontoise et j’ai vécu ce « lâchage » de ma hiérarchie – voici quelques anecdotes qui révèlent bien l’état d’esprit d’une hiérarchie « bien-pensante »:

1 – French graffiti

En début d’année, je surprends un élève (en BTS)  faisant des graffitis sur sa table (neuve!). Je l’envoie aux toilettes, charge à lui, de trouver de quoi nettoyer les traces de son vandalisme … L’élève, nommé « Bonheur » – ça ne s’invente pas ! – quitte la classe mais se rend … chez le proviseur pour se plaindre. Le proviseur vient me voir et m’offre un grand moment de « pédagogie » : « Madame, vous ne pouvez pas demander à cet élève de nettoyer cette table ! Vous rendez vous compte que sa mère est peut-être femme de ménage et qu’il pourrait vivre ça comme une stigmatisation ! »

A mon retour en classe, c’est un « Bonheur » goguenard qui m’accueille …

Aux femmes de ménage du lycée de nettoyer ensuite le « graffitis » de Bonheur – dont la propre mère (je me suis ultérieurement renseignée) vit des aides sociales…

2 – Exclusion : sanction ou récompense ?

En salle des professeurs, je rencontre un jeune collègue sans affectation à la rentrée et qui s’ennuie à longueur de journée. Je vais voir le Proviseur adjoint pour lui demander d’affecter le jeune professeur inoccupé comme soutien dans ma classe. Le proviseur adjoint demande à réfléchir…

Lors de cette même journée, j’exclus un élève qui perturbait gravement la classe. Il est exclu pour plusieurs jours. Le professeur adjoint vient me voir en souriant pour m’expliquer que mon collègue ne viendra pas aider les élèves en difficulté dans mon cours, mais qu’il va permettre à l’élève exclu de ne pas perdre le fil du cours en le faisant travailler. Je m’esclaffe, « mais vous transformez l’exclusion en cours particulier! Obligez le à travailler seul et éventuellement, mon collège l’aidera, avec d’autres, quand il reviendra en cours, mais ne lui donnez pas l’impression d’obtenir un régime de faveur! » – Le proviseur adjoint ne veut rien entendre sous prétexte « d’égalité des chances »…

Quelques jours plus tard, l’élève revient en cours avec un air triomphant. Il me lance : « Au fait, merci madame de m’avoir offert un cours particulier ! »

Les élèves les plus fragiles du cours n’ont reçu aucun soutien supplémentaire et ont du continuer à supporter cet élève dont la principale occupation était de perturber le cours – il ne s’est même pas présenté au épreuves du BTS à la fin de l’année…

J’ai regardé le proviseur-adjoint droit dans les yeux lors du dernier conseil de classe et je lui ai dit: « tout çà, pour çà… ». Elle a simplement détourné son regard.

3 – Trahison en conseil de classe

Durant toute une année de BTS, quatre « caïds » avaient gravement perturbé la classe de BTS et n’avaient fourni aucun travail. Avec grande difficulté, je parviens à convaincre mes collègues de s’opposer à leur passage en seconde année. Mes collègues étant réticents de voir diminuer le nombre d’élèves et de subir la fermeture de la classe de BTS située à quelques minutes de leur domicile…

Arrive le conseil de classe et effectivement les professeurs sont solidaires pour bloquer le passage des perturbateurs en deuxième année.

A la fin du conseil de classe, le proviseur interpelle les perturbateurs et leur dit, assez fort pour que tous les professeurs entendent : « Suivez-moi dans mon bureau, je vais vous expliquer comment faire appel de cette décision … »

Ce même proviseur, lors de son pot de départ en retraite, quelques jours plus tard, se vantera de n’avoir JAMAIS, pendant sa carrière, convoquer le moindre conseil de discipline …

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Tant que la « bien-pensance » des acteurs hiérarchiques de l’Education Nationale considèrera les auteurs d’incivilités et de violence  comme des « victimes » d’une situation sociale difficile et que leurs méfaits ne seront pas reconnus comme tels et sanctionnés à leur juste mesure…. La violence continuera d’augmenter…
Tant que l’EN ne soutiendra pas ses professeurs et privilégiera la situation ou la parole de l’élève face à celle du professeur, ce métier continuera d’être impossible à exercer dans des zones de plus en plus nombreuses!

Et surtout, les grands oubliés de cette situation, ce sont les élèves fragiles, en difficulté scolaire et sociale, qui voudraient essayer de s’en sortir et qui sont les victimes directes et indirectes de cette violence, mais surtout du turn-over, de la lassitude, de la démotivation de leurs professeurs et qui voient leur chance de réussir s’affaiblir…

Non, il ne faut pas supprimer les classes préparatoires ! A l'heure où des dizaines de milliers de jeunes sont en panne d'affectation dans le supérieur, il ne faut pas oublier ces formations d'excellence...

Plusieurs articles ou tribunes ont récemment critiqué les classes préparatoires.

Les critiques portaient principalement sur une formation qui semblerait privilégier le « bachotage » plutôt que la construction de savoirs individuels et le lycée comme lieu inadéquat pour la préparation, avec la proposition de poursuivre l’intégration des classes préparatoires dans l’environnement de l’université.

 En tant qu’ancienne étudiante de classes préparatoires, diplômée de l’ESCP Europe et aujourd’hui enseignant-chercheur, je suis de plus en plus agacée par ces critiques et il est temps de dire, « arrêtez de tirer sur nos classes préparatoires ! ». 

Les classes préparatoires ne sont peut-être pas parfaites mais elles restent l’un des rares domaines d’excellence de notre système éducatif public, basé sur une méritocratie scolaire et ouvertes à tous les bacheliers des filières générales et technologiques (avec des spécialisations différentes).

A la question posée, sont-elles dénuées de sens et d’utilité aujourd’hui ? La réponse est définitivement NON !

Les critiques émises à leur encontre sont-elles fondées ? La réponse est majoritairement NON !

** Les classes préparatoires comme lieu de réflexion et non de bachotage**

La critique la plus commune concernant les classes préparatoires concerne leur préparation à des concours difficiles par du « bachotage » (action de préparer un examen en vue du seul succès pratique). S’il est indéniable que la finalité de la préparation est la réussite au concours des écoles de commerce, et si possible les plus prestigieuses, ramener la classe préparatoire à un simple « bachotage » me parait des plus réducteurs… Pour avoir (en tant qu’agrégée) organisé de nombreuses « khôlles » (interrogations orales pour la préparation des concours), je passais beaucoup de temps à articuler des sujets entre la réalité économique et les théories étudiées par les étudiants et j’ai même retrouvé, pour cet article, une des questions à traiter par les étudiants : « Imaginons que cette entreprise utilise des ressources naturelles qui viennent à s’épuiser, alors commentez cette phrase « la croissance économique est une course entre l’épuisement et l’invention ».

En quoi cette phrase peut-elle également s’appliquer à la situation énergétique actuelle ? »

Je vois mal ici l’application de la notion de « bachotage »… La préparation au concours passe certes par l’apprentissage d’un programme, mais aussi par la stimulation d’une réflexion issue des connaissances ainsi acquises.

Ce travail d’acquisition des connaissances et de réflexion est mené par des enseignants qui sont des agrégés du secondaire et qui enseignent majoritairement en lycée (même si certains, dénommés PRAG, enseignent dans le supérieur). Il faut leur laisser l’enseignement en classes préparatoires.

**La formation des préparationnaires doit rester entre les mains des agrégés du secondaire**

La qualité des enseignants est rarement abordée au sujet des classes préparatoires : ils sont tous agrégés du secondaire, c’est-à-dire des enseignants ayant eux-mêmes passé le concours extrêmement exigeant de l’agrégation (voire un double concours pour ceux passés par l’Ecole Normale Supérieure et son concours d’entrée).

Les enseignants de ces classes ont ainsi la légitimité d’avoir réussi un parcours similaire, aussi sélectif (certains de ces professeurs sont sortis Majors ou dans les meilleurs rangs de l’agrégation) que celui auxquels leurs étudiants se destinent. Par delà leurs connaissances, ils sont ainsi porteurs à travers leur propre parcours d’un niveau d’exigence et d’excellence qui permet également la transmission et le développement de « soft skills », tels que l’esprit de synthèse, le développement de qualités analytiques, l’amélioration de la vitesse de lecture, mais aussi l’endurance, le dépassement de soi, la volonté de gagner.

Ainsi, cette forme d’excellence doit être valorisée, sans être exclusive, car il s’agit ici de l’aboutissement de la méritocratie scolaire et non sociale – même si trop souvent, d’excellents élèves de zones ou de milieux défavorisés s’autocensurent et si cette typologie d’élèves restent sous-représentés en classes préparatoires.

Les universitaires et les cursus universitaires n’ont ni l’expérience ni la formation ou la vocation à préparer à des concours et s’il existe des classes préparatoires à l’université (les CUPGE), ces dernières ont davantage pour vocation de servir de « produit d’appel » pour une continuation d’études universitaires plutôt que de préparer à des concours très sélectifs. (voir l’article https://www.letudiant.fr/educpros/enquetes/les-cupge-ou-l-essor-des-prepas-a-l-universite.html)

**Il faut laisser les classes préparatoires au sein des lycées**

Il faut laisser les classes préparatoires aux mains des meilleurs agrégés et également les laisser dans les lycées car l’argument du lycée comme lieu inadapté est peu convaincant; je cite l’une des critiques, « Dans la cour de récréation du lycée, ils pourront se trouver confrontés à des élèves de seconde auxquels des surveillants ou CPE donneront des heures de retenue pour mauvaise conduite. Ils seront contrôlés à l’entrée et à la sortie comme le sont les plus jeunes dont les mouvements ne sont pas libres. »

La plupart des classes préparatoires bénéficient d’un environnement dédié et spécifique au sein des lycées et si les élèves préparationnaires croisent des élèves de seconde, ils n’y sont pas « confrontés » !!

Les lycées (je ne parle pas là seulement des plus prestigieux) prennent ainsi soin de leurs classes préparatoires et leur procurent un environnement calme et studieux ainsi que les ressources nécessaires car elles participent de leur réputation pour attirer de bons élèves dans le cycle inférieur et permettent à certains lycées de banlieue une plus grande mixité sociale.

Je terminerai sur un témoignage plus personnel : quand après avoir travaillé près de 20 ans en entreprise et que  j’ai décidé de changer de carrière et de préparer l’agrégation pour enseigner – ce ne sont pas mes cours à l’ESCP Europe qui m’ont aidée (la plupart des théories enseignées alors étaient devenues obsolètes…), mais j’ai retrouvé mes vieux réflexes de classe préparatoire – sens de l’organisation, capacité à lire très rapidement, facilité à rédiger des synthèses… J’ai préparé et obtenu en neuf mois l’agrégation – c’est à ce moment-là que j’ai compris ce que m’avait apporté le sacrifice de ces 2 années passées en classe préparatoire !

Il faut peut-être réformer de manière incrémentale les classes préparatoires, mais laisser à ceux qui sont prêts à travailler dur pendant deux ans, la possibilité de le faire, dans un environnement exigeant et qui tire vers l’excellence – pas seulement pour entrer dans la meilleure école de leur choix, mais peut-être parce qu’ils auront ainsi acquis les compétences qui leur permettront de rester maître de leur destin et de se créer de nouveaux parcours professionnels…

Ecoles de commerce: passons de la critique au positif!

« Les business-schools sont-elles la proie du conservatisme et d’un mimétisme autodestructeur? » @FR_Conversation

Si les modes organisationnels et les stratégies des écoles de commerce françaises sont loin d’être parfaits, elles ne méritent pas la pluie de critiques qu’elles subissent depuis quelques temps.

D’abord parce qu’il faudrait arrêter de regarder les écoles de commerce du point de vue de leur corps professoral, mais aussi et peut-être surtout, de celui de leurs diplômés et des entreprises.

Plutôt que de s’intéresser au taux ou niveau de publications des chercheurs, demandons-nous si nos diplômés s’insèrent facilement et correctement dans les entreprises.

Un simple coup d’œil sur le nombre et les noms des entreprises qui viennent aux forums organisés par les écoles est plutôt rassurant sur l’attractivité de ces dernières.

Les salaires d’embauche des diplômés et les temps, plutôt faibles, de recherche d’emploi sont aussi des signaux forts d’une adéquation, plutôt en phase, entre les besoins des entreprises et la formation de nos jeunes diplômés.

Je ne me lancerai pas ici dans une bataille de chiffres qui donnerait aux ronchons de service l’occasion de pinailler et je reste prudente dans le choix du vocabulaire, car il y a certainement encore une marge de progression !

Je regarde également l’évolution de carrière de certains jeunes qui ont suivi mes cours et je trouve déjà certains d’entre eux comme responsables grands comptes dans des grands groupes après seulement quelques années de vie professionnelle. Belle réussite !

Alors conservatrices les écoles de commerce ?

Rares sont les professeurs qui enseignent en école de commerce qui en sont également diplômés – si tel était le cas, ils seraient conscients de la révolution que la plupart de ces organisations ont connue en quelques décennies… Nous sommes passés d’un modèle consulaire (les écoles étaient des services des chambres de commerce)  où la plupart des enseignants étaient des professionnels de l’entreprise qui faisaient des vacations, avec un corps professoral très réduit, eux-mêmes le plus souvent issus de l’entreprise à un modèle, de plus en plus indépendant des chambres de commerce, avec un corps professoral bipartite où environ 50 % des enseignants permanents sont des professionnels de l’enseignement et des enseignants-chercheurs et environ 50 % des vacataires, dont une majorité sont des professionnels de l’entreprise en activité ou récemment retraités.

La plupart des professeurs permanents qui dirigent des programmes suivent l’évolution des métiers de l’entreprise et font appel à de nouveaux vacataires pour former les étudiants à tous ces métiers en émergence, particulièrement (mais pas seulement !) dans le digital : E-commerce, social media, content marketing, etc.

Sur cette dernière décennie, les écoles de commerce ont démultiplié les cours et les formations en anglais, les partenariats avec des universités étrangères pour organiser des semestres d’échange, voire des doubles diplômes, des possibilités de stage à l’étranger. Il se développe également des formations transverses, par exemple, ingénieur- manager ou designer-manager.

Certaines écoles ont également renforcé les moyens sur la formation à des métiers en tension: marketing digital, achats ou expertise comptable (entre autres !).

L’enseignement s’est aussi transformé de manière drastique… Utilisation d’outils digitaux, nouveaux modes d’enseignement (classes inversées, cours en distanciel, etc.).

Bien sûr, toutes les écoles ne sont pas au même niveau de maturité et de développement et ne possèdent pas les mêmes ressources.

Il reste deux points noirs que je n’ai quasiment jamais vu abordés par les écoles : la formation initiale à la pédagogie (les jeunes docteurs ou professionnels sont souvent catapultés devant les étudiants sans formation préalable à la pédagogie) et la formation continue du corps professoral permanent. Là encore, les écoles s’appuient sur des vacataires pour former les étudiants aux métiers émergents, mais forment peu leur corps professoral permanent sur l’évolution des métiers auxquels mènent leurs enseignements – ce sont les professeurs qui individuellement essaient tant bien que mal d’actualiser leurs cours.

Ceci amène des disparités dans les enseignements entre ceux qui « restent » sur un cours classique et ceux qui, par leur curiosité personnelle et leurs liens avec l’entreprise, « modernisent » leurs cours.

Il n’en reste pas moins que les écoles de commerce françaises essaient de « coller » à un monde en pleine transformation et de préparer leurs étudiants à ce monde-là.

Les écoles qui ont développé des programmes de qualité qui apparaissent aux yeux des étudiants comme les plus représentatifs de l’évolution de notre monde, c’est-à-dire qui collent à la fois à l’évolution de l’entreprise et aux aspirations des étudiants, connaissent actuellement une forte progression.

Ceci amène à nuancer le « mimétisme » des écoles de commerce – qui existe, certes, dans la gestion de la recherche ou du Programme Grande Ecole, mais certaines se sont fait une réputation sur des formations spécifiques au niveau Bachelor ou Master où elles sont reconnues pour leur excellence.

La tendance actuelle est au développement de ces programmes spécialisés, car le nombre d’étudiants issues de classes préparatoires stagne et les écoles cherchent à attirer de nouveaux publics.

Certaines écoles cherchent ainsi à développer une « compétence clé », et développer une expertise, qui, les légitime dans la création de programmes « différenciant » – par exemple,

  • En s’appuyant sur leur territoire (Kedge Wine & Spirits Academy ou BSB Wine school)
  • En mobilisant des enseignants autour d’une expertise reconnue (Institut RSE d’Audencia)
  • En jouant sur une implantation multi-campus historique (Bachelor ESCP)

La tendance n’est qu’amorcée, et il reste aux écoles à aller plus loin dans cette analyse stratégique.  Il leur faut encore s’appliquer à elles-mêmes les outils qu’elles enseignent à leurs étudiants pour repérer leurs compétences clefs ou analyser les « clusters » d’expertise de leur corps enseignant, en dépassant les frontières actuelles de leur organisation.

Certaines, risquent effectivement d’être retardées dans ce travail d’analyse,

  • Par leur mimétisme à aller vers le digital, sans toujours s’interroger au service « de quoi », elles souhaitent mettre ces outils en place ;
  • Par une population de jeunes chercheurs qui ne misent que sur le « tout recherche »;

Mais, celles qui ont déjà commencé, celles qui ont les capacités et les ressources, celles qui iront le plus vite et le plus loin dans la création de programmes différenciant, qui répondent aux besoins des entreprises et des étudiants, seront les gagnantes de demain…

Je ne parle plus seulement là de classement ou d’accréditation, mais de chiffre d’affaires et de rentabilité… Or, l’argent est le nerf de la guerre….

Le palmarès de la recherche en gestion 2018 : la montée en gamme continue – est-ce vraiment une bonne chose ?

Educpros by l’Etudiant vient de publier un article sur la montée en gamme de la recherche des écoles de commerce françaises en établissant un palmarès des publications dans les revues académiques les plus prestigieuses (de rang 1 et + CNRS ou FNEGE).

http://www.letudiant.fr/educpros/actualite/le-palmares-de-la-recherche-en-gestion-2018-la-montee-en-gamme-continue.html

La journaliste effectue un simple travail de collecte sur la base des déclarations des écoles, mais il est écrit (en gras !) que les données collectées ont été vérifiées….

La journaliste en remet une couche dans un commentaire, en précisant que « nous ne tenons compte que des professeurs permanents présents au moins 4 à 5 jours par semaine (définition CEFDG) et retirons les achats de publications ! »…

Il n’y a rien de nouveau dans cet article purement descriptif. Le « Publish or Perish » (« Publie ou Meurt ») sévit dans un univers académique globalisé depuis de nombreuses années.

https://www.letemps.ch/sciences/2017/09/19/publish-or-perish-science-met-chercheurs-pression

Toutes les écoles françaises, dans le même mimétisme, cherchent à attirer les chercheurs les plus prolifiques, publiant dans les meilleures revues, en offrant salaires compétitifs, mais surtout décharges de cours et primes de publication.

 

A ce petit jeu, les écoles qui disposent des plus gros budgets et d’une meilleure notoriété internationale sont les gagnantes et le trio de tête semble inchangé depuis des années : HEC, ESSEC, EM Lyon, etc.

Le fait que HEC soit talonné par l’ESSEC et l’EM Lyon est présenté comme un « mini-bouleversement » ….

Là où cet article interpelle vraiment, c’est sur la description des écoles post-bac, c’est-à-dire celles dont les publics sont les plus demandeurs d’encadrement, de suivi et de progression pédagogique et qui sont rentrées plus récemment dans le jeu du « Publish and Perish » ; elles ne sont pas présentées comme telles dans l’article, car il est simplement indiqué que « ce mouvement ne concerne pas que les établissements les plus gros » …

Effectivement, ces écoles post-bac, en dehors de l’IESEG qui a 112 enseignants chercheurs, tournent, pour la plupart, autour de 32 à une petite cinquantaine d’enseignants-chercheurs et veulent, elles aussi, avoir des chercheurs qui publient en rang 1.

Alors, quand la journaliste écrit L’EMLV ou l’EDC, à la production anecdotique en 2013, ont depuis mené une politique dynamique qui porte ses fruits », il n’est pas difficile d’imaginer ce que cette « politique dynamique » peut générer comme tensions, surtout pour des professeurs qui avaient délaissé la recherche au profit de la pédagogie ou qui étaient débutants et qui se heurtent désormais à une pression de « l’immédiateté » et du « résultat » en publication.

La face cachée de cette « politique dynamique », c’est également la construction d’un corps professoral à deux niveaux pour compenser la faiblesse de sa taille : les « vedettes » (les quelques professeurs, souvent jeunes docteurs « mercenaires », capables de publier en rang 1 ou 2, mais qui ne considèrent les écoles post-bac que comme un tremplin pour leur carrière) et les autres, qui deviennent des « sherpas ». Je les nomme ainsi car à la pression de la recherche s’ajoute une charge pédagogique déjà importante. Ainsi, ces professeurs se retrouvent souvent dans un cercle vicieux car ils continuent à porter la pédagogie de l’école (les suivis de mémoire, de stage, de responsabilité de cours ou de programmes) avec peu de décharges alors que ce sont ceux qui auraient le plus besoin de temps et de soutien pour monter leurs publications en gamme.

Or, il ne faut pas oublier que ce sont ces professeurs « sherpas », qui, dans ces écoles post-bac et de petite taille portent le plus la satisfaction des étudiants et la réputation de l’école…

Que le travail de montée en gamme soit mal géré et mal accompagné, pourrait avoir pour conséquence une forte démotivation de ces professeurs-là ; s’ils sont remplacés par des professeurs orientés purement recherche, ces écoles risquent progressivement d’affaiblir leur attractivité auprès des étudiants – d’autant plus, que leur public est déjà « siphonné » par le développement des Bachelors des grosses écoles post-prépa à plus forte notoriété.

Ces écoles auraient davantage intérêt à s’inspirer (ce qui n’est pas synonyme de copier !) d’une école Britannique, Hult Business School (en dehors de frais de scolarité très élevé…) qui a orienté son enseignement vers une approche très pragmatique, comme cité dans un récent article du Monde : « un enseignement très concret, fondé sur les projets. « Les étudiants travaillent avec des entreprises et (…) la plupart des enseignants ont d’ailleurs une double expérience, académique et industrielle. ».

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/campus/article/2018/01/05/hult-business-school-campus-britannique-tres-dore_5237848_4401467.html – lJzAW5jvPwLo2FET.99

Certaines écoles post-bac qui avaient historiquement adopté ce type d’approche pragmatique et professionnalisant s’en éloignent, sous prétexte d’obtention des accréditations par la recherche…

Pourtant, cette école britannique où la recherche n’est pas prédominante, a obtenu l’accréditation AACSB – accréditation que la plupart de nos écoles post-bac cherchent actuellement à obtenir, comme leurs grandes sœurs post-prépa…

Alors que nos écoles post-bac devraient prioritairement chercher à renforcer leur différenciation et la préparation des étudiants à la transformation des métiers avec le digital, certains de leurs dirigeants ont mis en haut de leur agenda la course aux étoiles… (que des articles comme celui d’Educpros ne font que renforcer…) Or, l’exemple de Hult, et sûrement d’autres écoles, le prouve, la montée en gamme des publications n’est pas le seul moyen d’obtenir des accréditations.

Cet article va aussi à l’encontre des efforts d’autres institutions pour sortir les écoles de cette approche focalisée sur la recherche, comme la FNEGE qui a mis en place un baromètre pour mesurer l’impact d’une Business School sur son environnement local, du Financial Times qui a renforcé l’impact du salaire des diplômés dans son classement ou même l’AACSB, dont l’un des responsables déclare : « Nous examinons certainement les qualifications des professeurs beaucoup plus largement. À l’avenir, les écoles pourraient considérer non seulement les diplômes des membres du corps professoral et le travail intellectuel, mais aussi l’expérience professionnelle qu’ils possèdent et les certifications professionnelles qu’ils détiennent. C’est une façon beaucoup plus qualitative d’examiner les qualifications que de simplement compter les publications. »

http://bized.aacsb.edu/articles/2018/january/the-faculty-piece

De la même façon, certaines écoles post-prépa avec un nombre important de chercheurs essaient de gérer à la fois la montée en gamme des publications tout en permettant à des profils différents d’enseignants-chercheurs de trouver leur équilibre entre publications et pédagogie et de fidéliser ainsi leur corps professoral.

Je terminerai donc ce post sur cette belle interview de l’un de mes collègues (parmi les plus publiant…) de Kedge Business School, qui redonne à la recherche toute ses lettres de noblesse et qui rappelle que la recherche n’a pas pour (seule) finalité de publier dans des revues prestigieuses (qui ne sont lues ni par les managers ni par les étudiants…), mais d’irriguer l’enseignement…

http://www.lemonde.fr/campus/article/2018/02/02/grace-a-la-recherche-en-management-je-propose-des-cours-actualises-et-originaux_5250719_4401467.html

 

 

 

Quelques pensées personnelles sur la pédagogie…

Régulièrement des articles publiés sur Internet sont consacrés à des méthodes ou des outils pédagogiques dits « innovants » (classes inversées, cours renversés, tableau numérique, MOOCs, SPOOCs, etc.)

http://orientation.blog.lemonde.fr/2017/07/17/la-revolution-pedagogique-est-en-marche/

https://www.ludovia.com/2017/03/les-classes-inversees-pour-favoriser-la-reussite-de-tous-les-eleves-journee-paris-04-mars-clij75/

Or il est rarement apporté la preuve que ces méthodes ou outils soient une réelle source de progrès….

Je n’ai pas encore trouvé une étude sérieuse démontrant l’amélioration de l’apprentissage des étudiants avec la mise en place de classes inversées, par exemple.

Une fois que l’on a posé que la génération Y ne se comportait pas comme la génération X, il semble acquis qu’il faille leur offrir de nouveaux modes d’apprentissage…

Ne vous méprenez pas, je suis curieuse de l’utilisation de nouvelles méthodes et outils, mais je les approche avec un esprit critique.

Tel Jourdain faisant de la prose sans le savoir, je faisais d’ailleurs de la classe inversée, sans en connaître le terme savant…

Lorsque j’ai commencé à faire mes cours en anglais devant une population hétérogène, j’ai réalisé que j’avais un problème : l’étudiant américain mettait 10 minutes à faire un exercice tandis que l’étudiant chinois n’avait pas fini de lire l’énoncé avec son traducteur électronique… Il m’a fallu rapidement trouver une solution… J’ai décidé de faire préparer le cours en amont afin que tous les étudiants arrivent en cours avec le même niveau de maîtrise des supports – les temps de préparation étant cachés, peu importait que certains y aient passé une heure, là où d’autres y avaient passé la journée…

J’ai donc une approche pragmatique de ces outils. 🙂

J’ai aussi la conviction que la génération Y est beaucoup plus hétérogène que ce que certaines études veulent nous faire croire et mes cours ressemblent à un patchwork afin que chaque étudiant, dans des cohortes de plus en plus grandes, trouve le mode d’apprentissage qui lui convienne le mieux.

Donc mes cours sont une recette de cuisine où alternent réflexions individuelles avec travail collaboratif, exposé magistral et échanges avec les étudiants, théories et exemples d’entreprises, présentations PowerPoint et vidéos, etc.

Mais depuis exactement 10 ans que j’enseigne en école de commerce, après un (très) long passage en entreprise, je m’interroge toujours sur les processus d’apprentissage.

Je fais partie de ceux qui considèrent que l’apprentissage requiert un effort, mais que l’effort peut être allégé et accepté si les étudiants trouvent « quelque chose » qui leur fasse accepter cet effort.

En faisant régulièrement évaluer mes cours depuis 10 ans par les étudiants, je suis arrivée à repérer des mots clefs, qui me surprennent toujours, car ils sont plus du domaine de l’affectif que de celui de la didactique…. Mais qui me semblent refléter l’acceptation de l’effort de l’apprentissage par beaucoup d’étudiants qui suivent mes cours.

Le terme qui apparaît chaque fois que l’évaluation de mon cours fait ressortir un score élevé est le mot « passion »/ « passionnante »,

« Enseignante très passionnante. Le cours est bien illustré avec des exemples concrets. Personne très à l’écoute et qui fournit de très bons conseils. »

 « Le B2B ne m’a jamais attiré et ce cours l’a rendu passionnant à mes yeux ! C’est un immense plaisir de venir écouter le professeur même le vendredi après-midi ! »

  The teacher is very passionate about her subject”

J’ai fini par réaliser que ma volonté de partager ma passion pour mon ancien métier et de transmettre une expérience heureuse (ou tout du moins les aspects les plus heureux et valorisants de cette expérience) devaient l’emporter sur les prescriptions pédagogistes.

Transformer mes anecdotes professionnelles en « storytelling » pour illustrer telle ou telle théorie, entraîne un sentiment de partage avec les (ou tout du moins certains…) étudiants.

L’apprentissage semble donc partiellement basé sur ce partage de « passion ».

Malgré que les étudiants qui fréquentent mes cours aient entre 20 et 25 ans, il m’a aussi fallu du temps pour réaliser que les étudiants ne choisissent pas toujours leurs cours avec rationalité, mais en fonction du lien affectif qui peut les lier à tel ou tel professeur, comme le reflète ce commentaire sur les points forts du cours,

 The teacher! I already took a class with her in the bachelor and I definitively don’t regret to have taken one of her lecture again. She is the teacher that makes student wanting to come to lecture on a Friday until 5 pm. “

Pour l’anecdote, une photo de moi en train de corriger un partiel d’étudiants sur un groupe Facebook fermé et réservé aux étudiants ayant suivi mes cours, a entraîné 54 vues et plus d’une vingtaine de « j’aime », sans compter un e- mail pour me dire que c’était « cool ».

Si j’analyse de plus près certains verbatim, je me rends compte que ce lien affectif est aussi basé sur le ressenti des étudiants quant à la bienveillance, la disponibilité et le sens de l’équité de leur professeur (ce qui marche aussi dans le sens opposé avec des remarques négatives si le sentiment d’équité ne semble pas respecté !).

J’ai aussi mis du temps à prendre conscience que plus je me montrais exigeante mais capable d’empathie vis-à-vis des étudiants, tout en appliquant ce niveau d’exigence à moi-même (ponctualité, contenu du cours, mise à jour du contenu, etc.), plus les étudiants le considéraient comme une volonté de ma part de les aider à réussir et certains qui avaient pu « râler » devant certaines exigences, scoraient de manière positive le cours.

« Professeur très à l’écoute et juste. Professeur qui souhaite voir la réussite de ses étudiants »

Bien sûr, je suis consciente que j’analyse plus un niveau de satisfaction des étudiants, qu’un niveau d’apprentissage, mais je pense que les deux sont finalement intimement liés et que l’effort de l’apprentissage n’est accepté que s’il s’opère dans un contexte de satisfaction personnel.

En conclusion, je garde un regard curieux mais distancié sur les « outils » et j’essaie de conserver intacte ma passion et mon exigence, car c’est la meilleure méthode pédagogique que j’ai trouvée jusqu’à présent…

 

Réflexions sur l'étude de la Fnege qui questionne le modèle du tout-recherche... (juillet 2017)

Une étude de la FNEGE sur le « business model » des écoles de commerce françaises pointe l’impasse dans laquelle vont bientôt se trouver certaines écoles qui n’ont ni l’attractivité ni les ressources de HEC Paris.

http://www.letudiant.fr/educpros/entretiens/ecoles-de-management-etude-fnege-questionne-modele-tout-recherche.html

Cette étude résume des faits qui sont bien connus des acteurs, sans que ceux-ci n’aient, pour l’instant, la capacité à faire bouger le système…

Extrait: « Sous l’effet d’une globalisation croissante et du développement des accréditations, les écoles de commerce françaises, longtemps lieu d’un « savoir pratique », ont massivement investi dans la recherche. Au point de ressembler de plus en plus à des universités… »

Je n’ai jamais compris pourquoi l’université publique était présentée, en France, comme le haut lieu de la recherche…Alors que le manque d’incitation, l’absence d’objectifs (rattachés comme en Angleterre à l’allocation d’un budget) et de contrôle, ainsi que  le manque de moyens, en font un lieu où le nombre et la qualité des publications par chercheur sont certainement  inférieurs à celui des écoles de commerce (je me limite ici à la gestion), mais comme l’université prend grand soin de ne fournir aucune statistique à ce sujet, et que certains chercheurs de grande qualité ou prix Nobel représentent l’arbre qui cache la forêt, le flou persiste…

Le problème est néanmoins celui d’une substitution de la recherche du public vers le privé par les écoles de commerce (consulaires et de plus en plus privées ou sous statut associatif) alors que les diplômes afférents (doctorat, HDR) restent la quasi exclusivité de l’université publique…

Ce paradoxe est d’autant plus troublant que la vraie finalité des écoles de commerce (ESC) n’est effectivement pas la recherche, mais la formation des étudiants…

Extrait de l’étude: « Le sur-investissement académique est devenu le prix pour ne pas être déclassé sur un marché hyper-concurrentiel. Y compris pour les petites écoles qui n’en ont pas les moyens. Cette stratégie, qui pèse sur leurs ressources, est encore renforcée par le système de labels. Mais elles ne parviennent pas à s’en sortir. »

La recherche est dévoyée pour être remplacée par la publication comme fin en soi, car utilisée comme critère d’obtention de certaines accréditations. Or, il existe aussi des accréditations qui s’appuient davantage sur l’enseignement que sur les publications – sans doute moins prestigieuses que l’AACSB – elles sont snobées par les écoles de fin de tableau à qui elles correspondraient mieux!

Extrait de l’étude: « Ainsi, il faut reconsidérer la différence entre « teaching school » et « research school ». Certaines écoles, dont le cœur de métier est l’enseignement doivent pouvoir assumer cette stratégie comme un axe de différenciation. Cette dimension est d’ailleurs reconnue par une une accréditation comme l’AACSB… »

Si l’AACSB reconnaît la dimension professionalisante de la stratégie d’une école, cela n’est pas forcément le cas (où dans une moindre mesure) des accréditations nationales.

Le problème, non mentionné par l’étude, est celui de l’obtention du grade de Master – un label franco-français qui pourrait valoriser l’enseignement, mais qui, lui aussi porte au pinacle la publication…or avant d’obtenir l’accréditation AACSB, les écoles doivent d’abord obtenir cette reconnaissance du Ministère de l’Education…

Une école comme l’EMLV, qui vient d’obtenir le grade Master, n’a réussi à le faire qu’en embauchant des enseignants chercheurs à forte productivité en publications, comme toutes les autres…

Aujourd’hui, cette école se trouve à un tournant: un corps professoral permanent coupé en deux, d’un côté des enseignants-chercheurs à forte connotation pédagogique, dédiés aux étudiants, avec des cours en phase avec les besoins des entreprises et des taux de satisfaction de leur enseignement qui se situent autour de 90-100 % et un temps faible dédié à la recherche et de l’autre des enseignants chercheurs axés sur le « publish and perish »(1) et qui portent moins d’intérêt et de temps aux étudiants…

Un management « fin » du corps professoral permettrait peut-être de gérer de façon équitable ces deux blocs pour permettre à l’école de renforcer la dimension « teaching » tout en remplissant les critères des accréditations, mais cela suppose de s’interroger sur  le positionnement de l’école, d’effectuer un vrai travail sur sa différenciation et surtout de s’interroger sur l’obtention des accréditation de type AACSB en renforçant le volet enseignement plutôt que publications…

La facilité consisterait, par mimétisme, à  embaucher des chercheurs publiants, juste pour remplir les bonnes cases, à viser  les accréditations comme une stratégie en soi, sans s’interroger sur les effets à moyen terme de ces actions sur la qualité de l’enseignement et de la réputation de l’école, qui, en tant que post-bac, n’a pas des préparationnaires (2) captifs comme réservoir d’étudiants, mais s’appuie sur le bouche-à-oreille des diplômés…

La réponse dans les choix qui sont en train d’être faits se trouve dans la qualité managériale de l’encadrement, le niveau d’intelligence relationnelle et les qualités de leadership – or la qualité du management des ESC françaises, est aussi le volet qui manque à l’étude de la FNEGE…

L’avenir passe certainement, pour beaucoup d’ ESC, comme l’indique en filigrane l’étude, par des liens plus étroits avec les entreprises – mais pour cela, il faut une recherche avec de vraies implications managériales, donc un certain nombre d’enseignants-chercheurs pour qui l’entreprise ne soit pas qu’un concept, et qui soient capables de parler le même langage que les managers – ainsi qu’un management d’écoles de commerce qui, lui aussi, soit sur la même ligne managériale… Qui soit capable de définir une vraie stratégie dans un univers hyper-concurrentiel et de remettre en cause, au moins en partie, le mimétisme actuel et le poids trop lourd des accréditations…

 

(1) L’expression « publish or perish » (« publier ou périr » ) vise à dénoncer la pression exercée sur les enseignants-chercheurs pour atteindre des niveaux élevés de publications afin de recevoir des promotions.

(2) Etudiants issus de classes préparatoires préparant aux concours des écoles de commerce dites post-prepa par opposition à celles dites post-bac dont le concours d’entrée est ouvert aux bacheliers.