Business schools: quelques réflexions personnelles sur le « dogme » de l’enseignement tout en anglais ….
Alors que j’étais European Accounts Manager, basée au siège de ma société à l’étranger, le Directeur général de notre filiale française vint me trouver afin de devenir son bras droit sur les aspects commerciaux et diriger une équipe dédiée aux clients stratégiques. Il me proposait ainsi de rejoindre son comité de direction.
En réalité, l’idée n’était pas d’avoir enfin une femme au comité de direction 😪 mais d’y avoir quelqu’un qui parlait couramment anglais, qui avait une expérience multiculturelle pour l’aider à naviguer au sein du siège et mieux communiquer avec nos top managers étrangers, dont notre président, d’origine néo-zélandaise.
Cette expérience devrait m’amener à militer, dans ma nouvelle vie d’enseignant-chercheur, pour un enseignement en anglais afin de permettre à nos étudiants d’entrer facilement dans cette diversité linguistique et culturelle qu’est devenue l’entreprise….
Pas du tout ! Le dogme de l’anglais comme langue d’enseignement systématisée m’est devenu très pénible…
Je pense que l’apprentissage de concepts ou d’outils inconnus se fait mieux dans sa langue maternelle. Un enseignement nouveau dans une langue qui est mal maîtrisée représente un obstacle à l’apprentissage.
La proposition d’un enseignement en anglais se prête mieux à des cours « avancés » que des nouveaux cours – au moins, les étudiants peuvent s’appuyer sur des concepts qu’ils connaissent déjà pour surmonter l’obstacle de la langue…
Il faudrait vraiment réfléchir au type de cours au sein duquel on veut un enseignement en anglais, pour ne pas cumuler les difficultés, voir imaginer des cours en partie en anglais et en partie en français, mais les écoles de commerce françaises sont en train de se faire concurrence pour attirer des étudiants étrangers et transforment à marche forcée pratiquement tous les cours dans la langue de Shakespeare.
Dans un monde merveilleux ou les étudiants français sortiraient du BAC, voir du Bachelor, avec un bon niveau d’anglais, cela ne poserait pas de problème…. Mais il faut être réaliste : nous ne sommes pas dans cette configuration.
Surtout quand certains programmes ne sélectionnent pas les étudiants sur leur niveau d’anglais, puis leur impose des cours en anglais dans des disciplines qui sont, en plus, nouvelles pour eux….
Ainsi, je peux positionner les étudiants sur un continuum allant de l’étudiant français bilingue, à l’étranger maitrisant parfaitement l’anglais, jusqu’aux étudiants passant le cours sur Google traduction.
Engager les étudiants devient difficile, car seuls ceux qui ont confiance dans leur niveau d’anglais participent tandis que les autres n’osent exprimer leurs difficultés.
Pour essayer d’engager davantage les étudiants, j’avais décidé cette année d’acheter et d’utiliser un logiciel qui permette une meilleure interactivité avec les étudiants – ce logiciel me permet d’intégrer des questions dans ma présentation de cours et les étudiants suivent la présentation directement sur leur ordinateur et répondent « online » avec un affichage des réponses qui apparait sur l’écran du visio-projecteur.
Cette initiative individuelle semble plaire aux étudiants qui trouvent là, pour les moins à l’aise en anglais, une méthode de travail novatrice. Elle leur permet en effet de ne pas avoir à s’exprimer en anglais à l’oral – l’écrit leur faisant beaucoup moins peur….
Du coup, et à ma grande surprise, j’ai un taux de réponse qui doit être autour de 90%…
Même ceux qui sont « fluent » en anglais semblent apprécier cette méthode qui reprend leurs codes et méthodes de communication par texto ou Whatsapp.
Bien sûr, il m’a fallu repenser complètement mes séquences pédagogiques et travailler plus sous la forme de brainstorming ou d’analyses critiques que de cas – les écrits des étudiants doivent rester courts, pour rester dans l’état d’esprit de cet échange interactif.
A la fin du cours, toutes les réponses sont envoyées aux étudiants sous forme d’un rapport, ce qui leur permet de garder une trace écrite de toutes les activités du cours.
Conclusion : cet outil digital renforce la confiance des étudiants qui se sentent moins exposés qu’en travaillant à l’oral ; Ils ont une restitution qui peut leur permettre de revoir le cours dans son intégralité et finalement, j’ai l’impression d’avoir partiellement pallier le handicap de la différence de niveau dans la maitrise de l’anglais.
Tout cela requiert une bonne connexion Wifi et pas de bug du côté du logiciel 😓
Je suis aussi lucide sur le fait que « first mover, takes it all » – si l’école s’équipait du logiciel – une démultiplication de ce format pédagogique finirait probablement par lasser les étudiants !