#PasdeVague ou la face cachée de la "bien pensance" des acteurs hiérarchiques de l'Education Nationale

D’un seul coup sous le hastag #PasDeVague les vannes de l’Education Nationale semblent céder face à l’émotion suscitée par l’agression d’un professeur-e braquée avec un revolver… Afin qu’elle mette présent un élève qui n’avait pas assisté au cours!

Twitter est envahi par les témoignages de collègues qui viennent y raconter la violence ordinaire, mais surtout la lâcheté quotidienne de leur hiérarchie…

Il ne faut pas s’y tromper #PasDeVague n’est pas un pas tant un cri contre la violence, mais d’abord et surtout, une forme de révolte des professeurs sur leur solitude face à cette violence, le manque de soutien de leur hiérarchie, voire, pire, la culpabilisation dans laquelle ils sont plongés (« tu n’as pas d’autorité », « tu ne sais pas tenir ta classe ») et surtout l’impunité dont bénéficient les auteurs de cette violence.

Ayant passé le concours de l’agrégation, je me suis retrouvée, il y a déjà plus de 10 ans,  dans des lycées de Trappes et de Cergy-Pontoise et j’ai vécu ce « lâchage » de ma hiérarchie – voici quelques anecdotes qui révèlent bien l’état d’esprit d’une hiérarchie « bien-pensante »:

1 – French graffiti

En début d’année, je surprends un élève (en BTS)  faisant des graffitis sur sa table (neuve!). Je l’envoie aux toilettes, charge à lui, de trouver de quoi nettoyer les traces de son vandalisme … L’élève, nommé « Bonheur » – ça ne s’invente pas ! – quitte la classe mais se rend … chez le proviseur pour se plaindre. Le proviseur vient me voir et m’offre un grand moment de « pédagogie » : « Madame, vous ne pouvez pas demander à cet élève de nettoyer cette table ! Vous rendez vous compte que sa mère est peut-être femme de ménage et qu’il pourrait vivre ça comme une stigmatisation ! »

A mon retour en classe, c’est un « Bonheur » goguenard qui m’accueille …

Aux femmes de ménage du lycée de nettoyer ensuite le « graffitis » de Bonheur – dont la propre mère (je me suis ultérieurement renseignée) vit des aides sociales…

2 – Exclusion : sanction ou récompense ?

En salle des professeurs, je rencontre un jeune collègue sans affectation à la rentrée et qui s’ennuie à longueur de journée. Je vais voir le Proviseur adjoint pour lui demander d’affecter le jeune professeur inoccupé comme soutien dans ma classe. Le proviseur adjoint demande à réfléchir…

Lors de cette même journée, j’exclus un élève qui perturbait gravement la classe. Il est exclu pour plusieurs jours. Le professeur adjoint vient me voir en souriant pour m’expliquer que mon collègue ne viendra pas aider les élèves en difficulté dans mon cours, mais qu’il va permettre à l’élève exclu de ne pas perdre le fil du cours en le faisant travailler. Je m’esclaffe, « mais vous transformez l’exclusion en cours particulier! Obligez le à travailler seul et éventuellement, mon collège l’aidera, avec d’autres, quand il reviendra en cours, mais ne lui donnez pas l’impression d’obtenir un régime de faveur! » – Le proviseur adjoint ne veut rien entendre sous prétexte « d’égalité des chances »…

Quelques jours plus tard, l’élève revient en cours avec un air triomphant. Il me lance : « Au fait, merci madame de m’avoir offert un cours particulier ! »

Les élèves les plus fragiles du cours n’ont reçu aucun soutien supplémentaire et ont du continuer à supporter cet élève dont la principale occupation était de perturber le cours – il ne s’est même pas présenté au épreuves du BTS à la fin de l’année…

J’ai regardé le proviseur-adjoint droit dans les yeux lors du dernier conseil de classe et je lui ai dit: « tout çà, pour çà… ». Elle a simplement détourné son regard.

3 – Trahison en conseil de classe

Durant toute une année de BTS, quatre « caïds » avaient gravement perturbé la classe de BTS et n’avaient fourni aucun travail. Avec grande difficulté, je parviens à convaincre mes collègues de s’opposer à leur passage en seconde année. Mes collègues étant réticents de voir diminuer le nombre d’élèves et de subir la fermeture de la classe de BTS située à quelques minutes de leur domicile…

Arrive le conseil de classe et effectivement les professeurs sont solidaires pour bloquer le passage des perturbateurs en deuxième année.

A la fin du conseil de classe, le proviseur interpelle les perturbateurs et leur dit, assez fort pour que tous les professeurs entendent : « Suivez-moi dans mon bureau, je vais vous expliquer comment faire appel de cette décision … »

Ce même proviseur, lors de son pot de départ en retraite, quelques jours plus tard, se vantera de n’avoir JAMAIS, pendant sa carrière, convoquer le moindre conseil de discipline …

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Tant que la « bien-pensance » des acteurs hiérarchiques de l’Education Nationale considèrera les auteurs d’incivilités et de violence  comme des « victimes » d’une situation sociale difficile et que leurs méfaits ne seront pas reconnus comme tels et sanctionnés à leur juste mesure…. La violence continuera d’augmenter…
Tant que l’EN ne soutiendra pas ses professeurs et privilégiera la situation ou la parole de l’élève face à celle du professeur, ce métier continuera d’être impossible à exercer dans des zones de plus en plus nombreuses!

Et surtout, les grands oubliés de cette situation, ce sont les élèves fragiles, en difficulté scolaire et sociale, qui voudraient essayer de s’en sortir et qui sont les victimes directes et indirectes de cette violence, mais surtout du turn-over, de la lassitude, de la démotivation de leurs professeurs et qui voient leur chance de réussir s’affaiblir…